Les vicissitudes d’une bourgade frontalière

Saint-Laurent, placé à la frontière du Royaume de France sera soumis aux vicissitudes des guerres opposant les Français à leurs voisins Savoyards souvent alliés aux coalitions autrichiennes successives qui embrasent l’Europe de 1519 à 1748 (Traité d’Aix la Chapelle).
Les dévastations et les pillages vont s’échelonner du XVI e au XVIII e siècle.

-  Septembre 1536 : au retour des Impériaux décimés par la famine et la maladie

-  Juillet 1623 : incursion barbaresque avec massacre de la population

-  Février et juillet 1704 : pillage et incendie par les troupes savoyardes de M. de Blagnac

-  Mars 1706 : destruction des maisons par les Français fortifiant le village assiégé

-  Juillet 1707 : saccage des cultures et du mobilier par les Impériaux
Ces opérations militaires entraînent la construction de ponts provisoires de 1538 à 1813 :

-  1538 : à l’occasion du passage de François Ier venu rencontrer son ennemi, Charles Quint, lors de la Trêve de Nice imposée par le pape Paul III

-  Mars 1629 : le Duc de Guise édifie un pont de bateaux niçois pour la traversée de 10.000 chevaux et 12.000 fantassins. L’ouvrage est démonté à la retraite.

-  Avril 1744 : un pont sur pilotis est dressé par les Franco-Espagnols et coupé en octobre 1746

-  Novembre 1746 : les Austro-Sardes et les Anglais se préparent à envahir la Provence. Les Anglais construisent un pont détruit en février 1747

-  Enfin en octobre 1792, les Français bâtissent un pont définitif ouvert à la circulation le 8 décembre 1792, doublé en juin 1793 – refait en 1813.

Le gué disparaît avec sa barque pittoresque en 1792 - 17.3 ko

Le gué disparaît avec sa barque pittoresque en 1792

Le gué disparaît avec sa barque pittoresque. Les diligences peuvent traverser le fleuve sans problème. L’ouvrage sera souvent endommagé par les crues et par les Laurentins eux-mêmes qui verront chaque fois renaître avec bonheur leurs activités traditionnelles de gueyeurs ! La construction d’un pont de pierre débute en 1813, mais les travaux seront suspendus à la chute de l’Empire.

Un reflet du caractère opiniâtre et vindicatif des Laurentins apparaît à l’occasion d’un procès qui durera de 1769 à 1782, opposant deux membres de la communauté au sujet de la possession d’un banc d’église ! La chicane entraînera les plaideurs jusqu’à la Cour d’Appel d’Aix !

La Révolution française apaisera les cœurs ; après une certaine crainte, le nouveau régime est bien accueilli à Saint-Laurent où l’on lève une milice bourgeoise le 16 août 1789. Les cocardes tricolores sont arborées et les tours de garde veilleront à protéger le bourg des incursions venues de la rive niçoise, refuge des immigrés fidèles à l’ancien régime.
Un calme relatif s’installe après le passage des armées de la République qui envahissent le Comté de Nice rattaché à la France de 1792 à 1814.

Pourtant sous le Consulat en mai 1800, le Général Suchet, après avoir reculé sous la pression des Autrichiens, contre-attaque sur la rive gauche du Var. A cette occasion, les corvettes anglaises bombardent Saint-Laurent. Ce sera le dernier combat historique.

A la chute de l’Empire, la frontière s’installe à nouveau sur le Var entre la France et les Etats de Piémont-Sardaigne. Le pont est mesuré et partagé par les deux royaumes. Saint-Laurent reprend ses prérogatives de bourgade frontalière1.

* De 1792 à 1860, les activités liées au passage du Var : hôtels, poste de gendarmerie, poste de douane, charrons, maréchaux-ferrants, se déplacent de la « grande-rue » dans celle située face au pont (l’actuel rue de l’Ancien Pont).

EDMOND ROSSI