DENISE ROSSI : UN TIERS DE SIECLE DANS LES ECOLES LAURENTINES

DENISE ROSSI : UN TIERS DE
SIECLE DANS LES ECOLES LAURENTINES

De sa nomination à Saint Laurent en
1960 à sa retraite en 1987, l’institutrice et directrice a vu passer dans sa
classe près de 800 petits Laurentins.

Portrait d’une figure de la commune

« Je n’ai jamais supporte qu’un enfant me quitte
fâché. J’ai toujours été sérieuse et sévère dans le travail. Quand j’avais des
remarques à faire, je les faisais. Mais je terminais la journée sur du positif.
Les enfants devaient venir contents à l’école. »

Denise Rossi est devenue à sa manière une « figure» de la
commune, En 33 années d’enseignement et de direction d’école, en quasi-totalité
à Saint-Laurent, elle a vu passer dans sa classe près de 800 petits Laurentins.
Impossible de sortir dans les rues de la ville sans rencontrer un an­cien élève.

« J’ai par exemple eu le plaisir d’avoir dans ma classe
le pre­mier adjoint au maire actuel Léopold Mayen, qui vient tou­jours
gentiment m’embrasser.» Denise est fière de ses élèves. « Il y a eu des grosses
têtes. Un garçon est devenu un grand trader international, la sœur du docteur
Marcucci sera chirurgien de la main à Caen. »

Mais Denise était attachée à tous ses élèves.

« Je n’ai pas eu d’enfants. C’étaient mes enfants. »

Elle se souvient être interve­nue contre le mariage d’une
de ses élèves maghrébines à 14 ans par son père.

« Elle avait peur, cette petite. J’ai remué ciel et
terre. Ils ont fini par l’enlever à son père pour empêcher qu’il la marie. »

Née en 1932, Denise (Lebrun à l’époque) est arrivée à Saint
­Laurent à l’âge de quatre ans. Sa famille avait quitté Paris à cause de la
santé d’un de ses frères, atteint de tuberculose.

Quand la guerre a éclaté, elle avait 8 ans et était
écolière au quartier de la gare.

« Des années noires, dit-elle. En 1942, mon père est mort
d’une longue maladie, laissant ma mère veuve avec trois enfants et de petits
moyens. À dix ans, j’ai passé le concours des bourses pour pouvoir entrer au
lycée de filles de Nice. Comme mon collègue et ami Louis Pel­legrin dans la
même promotion, mais chez les garçons. » Pendant la guerre, sa maison est
éventrée par un bombardement. Heureusement seul son frère s’y trouvait, à l’abri
dans la cave.

Finalement, Denise ne sera pas assistante sociale comme
elle le voulait au départ.

« J’ai fait une année d’école de commerce à Magnan.
On m’a dit de passer le concours de prof, mais ça ne me disait rien du tout.  Sur proposition de Virgile Barel (1), j’ai
travaillé un an comme journaliste au quotidien. « Le Patriote” Je suis
tombée sur une annonce pour le recrutement d’institutrices assistantes. À l’époque,
on avait grand besoin d’instituteurs. » C’est ainsi qu’elle devient ins­titutrice
en 1954, année où elle épouse Edmond Rossi, lui aussi communiste, qu’elle a
rencontré au « Patriote » où il tra­vaillait également comme
journaliste. Elle débute dans l’arrière-pays, puis effectue plusieurs
remplacements dans le département avant d’être nommée en 1960 à l’école du
centre (2) garçons puis filles. Elle devient directrice, « L’école avait six
classes. Deux ans après, elle en était à onze. »

En 1978, elle est nommée di­rectrice de l’école Castillon
qui vient d’ouvrir aux Pugets. « Juste avant la rentrée, l’ar­chitecte m’a
remis une boîte à chaussures pleine à ras bord de clés. Devant mon air effaré,
les employés des services techni­ques de la mairie m’ont assuré qu’ils
m’aideraient à trouver les bonnes serrures. »

Quand l’école Castillon2 est construite, elle refuse
d’être la directrice de l’ensemble du groupe scolairedirectrice de l’ensemble
du groupe scolaire.

« Je ne voulais pas être dé­chargée totalement  Je voulais continuer à enseigner. J’ai été la
première directrice d’école de la commune à avoir une photocopieuse et des
ordina­teurs en classe. Quand je vou­lais obtenir quelque chose, je demandais,
parfois avec des contreparties. La bibliothèque, je l’ai obtenue en acceptant
un centre aéré dans l’école. »

En 1987, elle prend sa retraite. Mais elle devient
déléguée dé­partementale de l’Éducation nationale pendant quelques années
jusqu’en 2010.

« Pour continuer à défendre l’école laïque. »

Elle garde d’excellents souvenirs de ses années
d’enseignement et de direction d’école.

« On préparait de belles fêtes pour les fins d’année scolaire.
À Noël aussi, et on me faisait des cadeaux surprises … »

Presque élue, elle renonce à être conseillère municipale

Denise Rossi a failli deve­nir conseillère
munici­pale. « Quand on est enseignant et directeur
d’école, on est très
connu et on représente un po­tentiel
relationnel et élec­toral. »

Candidate sur une liste d’union de
la gauche en 1977 et en position d’être élue à
l’issue du premier tour, elle cède sa place au deuxième tour à François Daniel, qui de­viendra conseiller
muni­cipal d’opposition face la municipalité Mo­schetti. Pour ne pas voir son
temps et son énergie monopolisés par la politique, et pouvoir se con­sacrer
pleinement à son métier et à son foyer. Malgré des opinions politiques
divergentes, elle garde un bon souvenir
du maire Marc Moschetti.
« Lui et ses adjoints aux
écoles, M. Natter puis M. Revel, ont toujours fait le maximum pour les éco­les.
À chaque fois que j’al­lais le voir en mairie en délégation avec les pa­rents
d’élèves, il ne man­quait jamais de rappeler qu’il m’avait connue pe­tite,
qu’il allait à l’école avec mes frères, qu’il esti­mait beaucoup ma mère. Une
vraie scène de théâ­tre! »

Du maire Léon Bérenger en revanche, elle garde un
souvenir amer. « J’ai vu ma mère
pleurer parce qu’elle manquait d’argent. Le maire l’avait licenciée. Et il
avait écrit à l’employeur de mon frère Jacques pour, se plaindre
qu’il faisait de la politi­que. »

LAURENT QUILICl

Iquilici;nm@gmail.com

1. -Instituteur communiste devenu député du Front
populaire avant la guerre, puis emprisonné sous Vichy, il était à la tête de
l’administration de la ville de Nice à la Libération.

2. – Devenue Michelis 1