BILLET D’HUMEUR DES ANTIPODES

Isabelle
Blanchard est une pure Laurentine, exilée toute jeune en Australie avec sa
famille. Chaque année elle revient vers sa terre natale, le temps des vacances,
avec le ferme espoir de se réinstaller un jour dans ce qui fut le « paradis »
de son enfance.

Aujourd’hui,
elle s’inquiète de l’évolution trop rapide de sa ville et nous interpelle avec
une perception toute personnelle d’une réalité qui nous est devenue familière.

 

Un matin alors que le soleil n’était pas encore
réveillé, je décidais d aller me promener et revoir mon petit bout de village
où mes grands parents avaient vécu.

Je retrouvais la petite maison de mon enfance,
jusqu’à l âge de 16 ans, avec son mélange d’odeur de vieux et de neuf.

Pour moi, de nos jours Saint Laurent du Var
suffoque avec tous ses immeubles accumulés souvent fades et sans goût,
remplaçant les jolies villas disparues.

Jadis, on y sentait encore le citronnier l’oranger,
la lavande dans un cadre agréable où tout était tranquille.

Marchant vers le vieux village, je reconnus
beaucoup de monde, là rien n’avait changé.

Si l’on parle de la crise de l’euro et du manque de
logement, on sent encore dans les rues le parfum du pain chaud avec de jolis
gâteaux dans les vitrines !

Pus loin, j’aperçus un nouvel immeuble en
construction avec son odeur de ciment frais et déjà le panneau « A
Vendre ».

En fait Saint Laurent n’est pas très grand et le
charme de cette jolie ville disparait « Si tu savais Mémé !»

Je parcours et tourne dans les petites ruelles du
vieux village où mes grand parents habitaient au n°66 de la rue Honore
Geoffroy.

Je retrouve les même fenêtres et la même
façade ! Ah je suis contente, je perçois cette douce humidité de mon
enfance, quand je me mettais àla fenêtre.

« Cette enfant est pénible » disait ma
mère, « vous voyez vous lui passez tous ses caprices » ajoutait ma
grand mère.

Revenant au présent, je marche vers la place de la
Fontaine et le quartier du « Babazouk », l’eau ne coule plus à la
fontaine où je buvais et trempais les pieds l’été.

Je m’avance pour lire un panneau de permis de
construire ! Là aussi ! Avec tout l’espace disponible ailleurs !
On a enlevé ma fontaine, notre fontaine ! On s’attaque à la maison où
habitait mon amie ! Pourquoi faire ça ? C’est comme enlever la
fontaine de Saint Paul de Vence, mais là ils ne le feront pas.

Je suis en larmes et j ai mal au cœur .
Soudainement la colère m’envahit. Quelqu’un me rassure « On la
remplacera. » Cette fontaine datait de 1954,. Ce sera n’importe quoi, avec
du ciment neuf.

Je reste plantée là pendant dix bonnes minutes à me
dire pourquoi tous ces immeubles, un centre commercial vide, une plage ou pas,
des bateaux et un port payant, vers quel futur ? Pour élargir à tout prix
nos vies ?

Nous sommes devenus riches en biens superficiels
mais pauvres en biens spirituels.

Heureusement je sens encore dans les petites
maisons la bonne odeur de ratatouille et le vieux village s’anime encore lors
de joyeuses fêtes.

Très chers anciens vous avez su conserver votre
mode de vie, votre culture, votre cuisine et en mémoire tous les bons moments.
Mais aussi le souvenir de la faim et de la guerre que vous avez connues sans
avoir peur du lendemain. Même si Saint Laurent change et évolue vous ne changez
pas, si votre cœur bat en regardant encore le ciel bleu, c’est bon signe !

Isabelle BLANCHARD